Par Pierre COULOT et Philippe RABAUTE, A4, 706 pages, 2025
Le dernier sera le premier. C’est bien par le tome 1 que se termine donc la publication de notre Monographie des Leguminosae de France, après les volumes 3, 4 et 2, respectivement en 2013, 2016 et 2020. C’est notamment pour pouvoir proposer une clé générale des Leguminosae de France que nous avons fait ce choix, n’étant certains de la liste exhaustive des taxons retenus qu’après avoir finalisé notre travail d’analyse.
Ce tome premier, en trois parties, est consacré 1) aux Légumineuses non papilionacées, essentiellement d’origine tropicale, dont la classification a considérablement évolué depuis quelques années et qui nous a amenés à décaler la publication de ce volume, mais aussi 2) aux tribus papilionacées majoritairement tropicales et donc peu représentées dans la flore de France et enfin 3) à celle des Loteae, dans son acception moderne.
Ainsi se termine un travail de plus de vingt ans, dont les premiers compléments sont déjà publiés mais dont d’autres seront émis régulièrement. Le résultat final a le mérite de proposer à la communauté botanique française une photographie de la connaissance de la famille en France en ce début de xxie siècle, dont nous savons qu’elle évoluera continuellement, que ce soit sur les approches taxonomiques ou chorologiques. Après nous d’autres affineront ce travail, comme nous avons repris ceux de tant de botanistes depuis le milieu du xviiie siècle et la naissance de la botanique moderne.
Le travail considérable réalisé par le Legume Phylogeny World Group (LPWG), synthétisé notamment dans trois publications majeures en 2013, 2017 et 2024, a permis de restructurer la famille, classiquement répartie en trois sous-familles, dont la biologie moléculaire a rapidement établi que l’une d’entre elles n’était pas monophylétique. C’est donc aujourd’hui en six sous-familles qu’il convient de traiter cet énorme ensemble, le troisième de la flore mondiale. En complément, la nouvelle sous-famille des Caesalpinioideae, dans son acception actuelle, vient tout juste d’être restructurée. Une des conséquences de ces évolutions est que l’un des enjeux de la floristique moderne consiste plus que jamais en la recherche de synapomorphies, pour faire le lien entre génétique et morphologie ; là est le travail central du botaniste moderne, qui doit conserver sa capacité d’arbitrage. La génétique fait loi, mais elle ne peut tout établir. L’exemple de l’ancien genre Acacia, éclaté en plusieurs genres eux-mêmes répartis dans des tribus différentes, en est probablement l’un des exemples les plus flagrants. Nous avons évidemment retenu cette classification récente dans ce volume, comme nous l’avons fait de façon générale dans l’ensemble de la monographie.
La tribu des Loteae est également approchée dans son acception moderne, englobant celle des Coronilleae. En son sein nous avons fait le choix de traiter les genres Anthyllis, Lotus, Coronilla et même Hippocrepis dans leur approche la plus large que possible, nous semblant la seule démarche leur garantissant une monophylie. Les genres Hymenocarpus, Dorycnium, Tetragonolobus, Securigera et Emerus ne sont donc pas retenus.
Le taxon Anthyllis vulneraria est quant à lui, parmi toutes les Légumineuses de la flore française, celui qui nous a posé le plus de difficultés pour établir des entités taxonomiques cohérentes. L’introgression des rares taxons sauvages par des plantes issues de culture, elles-mêmes de constitution originelle peu établie, rend l’interprétation de très nombreuses populations françaises quasiment impossible, en tout cas elle nous est inaccessible. Nous proposons donc modestement un traitement qui ne nous satisfait pas pleinement mais qui correspond à notre compréhension de celui-ci.
De façon générale, nous conservons dans ce volume la logique qui a été la nôtre dans les tomes précédents, soit d’une part de traiter les espèces dans une approche large, sans retenir les variétés de faible robustesse, et d’autre part de refondre systématiquement les approches taxonomiques classiques au regard des études phylogénétiques les plus récemment publiées.
Dans un chapitre initial, nous avons fait le choix de proposer un certain nombre de généralités sur la famille des Leguminosae. Si le point central est l’histoire de sa classification, dont les derniers rebondissements sont très récents (cf. supra), nous avons également souhaité, comme nous l’avons fait dans toutes les fiches espèces, proposer des éléments de pharmacognosie et de toxicologie. Cette famille joue en effet un rôle important dans ces deux disciplines au sein du règne végétal. De même, nous avons listé succinctement les usages ethnobotaniques de ces plantes, largement utilisées par l’Homme. L’iconographie reste par ailleurs un point auquel nous attachons une grande importance, et les images numérisées de plantes fraîches vous permettront, nous l’espérons, de faciliter votre travail d’identification.
Pour chacun des quatre volumes nous avons sollicité des plumes prestigieuses pour rédiger les préfaces. À notre grand plaisir tous l’ont fait très spontanément, et nous sommes très fiers que ces volumes aient été ouverts par Nigel Maxted, le regretté Dániel Pifkó, Ernest Small et Shahin Zarre. Pour ce dernier tome c’est Anne Bruneau, l’une des meilleurs spécialistes mondiaux de la famille, qui a accepté de le faire. Même si cela est fait plus loin ou l’a déjà été fait, nous les remercions tous très sincèrement ; leur soutien a validé notre travail.
Nous espérons une nouvelle fois que vous prendrez beaucoup de plaisir à consulter ce dernier volume ainsi que l’ensemble de notre travail et vous invitons à nous retourner vos corrections et surtout vos nouvelles observations pour les futurs compléments à la monographie.

